Faut-il avoir peur d’un krach boursier ?

 

Après un départ en trombe, ce début d’année s’est transformé depuis en correction qui sonne comme une première alerte d’une valorisation excessive des marchés. Si l’on ne peut pas parler réellement de « krach », cette période de volatilité pourrait bien se poursuivre et causer quelques sueurs froides aux investisseurs.

Autant vous prévenir tout de suite, un krach va bel et bien se produire ! Mais vous ne savez ni quand ni de quel ampleur 🙂 C’est pourquoi les appels répétés au loup krach me semble tout à fait vain. Deux articles entiers y ont été consacrés récemment sur Slate, ici et .

Malgré ma jeune carrière d’investisseur, j’en ai déjà connu plusieurs : Le krachs chinois d’Août 2015, Le vote du Brexit en 2016 et l’élection de Trump quelques mois plus tard. Je trouve assez fascinant qu’un actif puisse perdre en quelques heures une grande part de sa valeur. Qu’est-ce qui pousse les marchés à agir ainsi ?

 

Anatomie du krach

« On craint ce que l’on ne comprend pas ». Pour bien réagir en situation de krach, il me semble opportun de comprendre les mécanismes à l’œuvre.

 

Pourquoi les krachs existent-ils ?

Les krachs sont le reflet d’une efficience imparfaite des marchés. En effet si tout était connu de tous à l’instant « t », il n’y aurait pas de variation importante des cours, tout serait toujours anticipé. Ce monde utopique n’existe pas (encore?). Les votes populistes du Brexit et de Trump ont été de réelles surprises, peut-être de l’aveuglement volontaire d’ailleurs. Plus récemment, la remontée des taux d’inflation US a pris de court les opérateurs de marché, et le retour du discours protectionniste également.

Devant le fait accompli, un petit élément perturbateur doit provoquer un nouvel équilibre financier. Un équilibre se définit par la stabilité et le calme, mais passer d’un équilibre à un autre peut être très violent. Il suffit de penser à une réaction chimique, au réchauffement climatique, à l’éclatement d’une supernova ou à une bombe nucléaire… Le krach n’est autre qu’un rapide changement d’équilibre.

Dans le système financier, l’équilibre s’ajuste entre de grands « réceptacle » de la liquidité mondiale : le marché des actions, le marché obligataire, les devises, les matériaux comme l’or et autres valeurs refuge. L’argent doit aller quelque part. Quand le mouvement représente 6.000 milliards d’euros en quelques jours, pas étonnant qu’il y ait quelques remous au passage.

Des facteurs aggravants

En plus du mécanisme de rééquilibrage, plusieurs facteurs aggravent la situation lors d’un krach, ce qui allonge d’autant la période « transitoire »:

  • Le Trading Haute Fréquence : Depuis quelques années, les robots ont commencé à remplacer les traders (leurs bonus coûtent-ils trop chers aux banques?). Les transactions automatisées représentent aujourd’hui 60% des transactions mondiales! Tous ces robots interagissent entre eux et jouent au chat et à la souris sur les marchés boursiers. Au-delà de cette situation affligeante (tant de génie mathématique gâché, pensons aux polytechniciens qui s’exilent aux US pour cela), on a observé à plusieurs reprises des emballements aussi nommés « flash crash ». Le 6 Mai 2010, le Dow Jones perdait 9,2% en l’espace de 10 minutes. Le 5 février de cette année, l’indice américain a chuté de 6% en quelques minutes avant de se ressaisir, suite à des ordres passés par des algorithmes.

flash-crash de Mai 2010

  • Les ordres « stop-loss » : Ce sont des ordres de vente automatiques passés par les investisseurs, qui s’exécutent dès que le cours franchit à la baisse un certain seuil. Ils sont tellement utilisés qu’il existe des stratégies pour faire « sauter » ces ordres par des ventes massives, puis racheter à moindre coût… L’inconvénient de cet outil est que le cours de vente n’est pas garanti, et il s’effectue souvent bien en dessous, surtout lors d’un krach. Voilà pourquoi je déconseille fortement de les utiliser. (Ils sont cependant utiles à ceux qui s’adonnent à l’analyse technique intraday, mais ce n’est pas mon domaine)

 

  • Les produits dérivés : La crise de 2008 et ses « subprimes » a mis en lumière les effets pervers de ces produits au doux nom, mais qui cache en réalité bien leur objectif (rapporter beaucoup d’argent aux banques qui les vendent). Les hedge funds aveuglés par l’appât du gain cèdent à l’argumentaire commercial bien rôdé. Ainsi découvre-t-on dernièrement qu’une banque suisse a inventé un produit indexé sur la volatilité des marchés, et dont la valeur s’est effondré de 95% en quelques heures ! Tous ces produits qui possèdent un fort effet de levier ont tendance à accentuer la fébrilité des opérateurs.

 

  • L’effet panique : qui n’a jamais perdu son calme devant un cours qui baisse ? On touche là à une dimension psychologique qui fait l’objet de nombreuses études. Gérald Bronner nous explique dans son livre « la démocratie des crédules » que nous n’agissons pas de façon symétrique face au gain ou à la perte: En clair, une perte de 10% nous fait beaucoup plus de mal qu’un gain de 10% ne nous procure de plaisir. En conséquence, lors d’un krach boursier, la réaction humaine et naturelle serait d’abord de vendre en urgence face à une peur irrationnelle, puis ensuite de raisonner, avant éventuellement de racheter ses positions.

 

Quel comportement à adopter ?

Voici quelques recommandations pour ne pas laisser trop de plumes lors d’une panique boursière :

Comprendre la cause

C’est évidemment le conseil n°1. Chaque krach a une cause bien précise qu’il convient de comprendre du mieux possible. Dans ce but, il faut maintenir une veille de la situation macro-économique. Cela me parait même indispensable à tout investisseur boursier. Intéressez-vous à l’économie, aux indicateurs macro-économiques, aux politiques des banques centrales, à l’impact des changes monétaires, etc… Le web regorge de blogs et sites d’information. Personnellement, j’ai pris l’habitude d’écouter BFM Business à la radio lors de mes trajets en voiture.

Suivant la cause identifiée, les décisions ne seront pas les mêmes. Si une récession économique mondiale se profile comme en 2008, alors vendez une bonne partie de vos actions, et restez à l’écart. Dans notre cas plus récent, la chute des marchés est provoquée par une peur de la remontée des taux et de l’inflation, à cause de la bonne santé économique mondiale… Paradoxalement, dans certains cas, de bonnes nouvelles peuvent provoquer une chute des cours.

Augmentez la liquidité

Cette étape me paraît indispensable pour deux raisons principales :

  • En cas de panique boursière, toutes les valeurs quelque soit la qualité de l’analyse fondamentale, finiront par être touchée. Il faut donc vendre en priorité les valeurs peu affectées par la phase de baisse initiale.
  • Cette augmentation de la liquidité vous permettra plus tard de racheter au rabais des valeurs qui ont lourdement chuté, sans raison rationnelle. C’est à ce moment que l’on peut tirer profit d’un krach.

Le niveau de liquidité à atteindre dépendra de la gravité de la crise. Personnellement, je ne suis jamais allé au delà de 30%, mais je n’ai pas encore connu de phase de récession économique.

Anticiper le nouvel équilibre à venir

Comprendre la cause du krach est une bonne chose, en tirer les conséquences est encore mieux. Un nouvel équilibre est en train de naître, vous devez donc l’anticiper dans le choix de vos valeurs : L’Angleterre vote le Brexit? Exit les valeurs qui exporte dans cette zone. L’économie chinoise vacille ? Attention aux valeurs qui comptent un peu trop sur ce marché émergent. Les taux d’intérêt remontent ? Gare aux sociétés fortement endettées, etc… Vous comprenez l’esprit.

 

Profiter des rabais

Un krach peut se prolonger sur plusieurs mois par crises successives, mais on pourra profiter des rebonds du marché pour mettre la main sur des valeurs injustement sacrifiées (d’où l’intérêt de ne pas hésiter à vendre des valeurs peu touchées au départ). Les critères seront les suivants :

  • Une forte chute du cours
  • De bons fondamentaux (comme toujours)
  • Une société qui n’est pas affectée par la raison première du krach

 

Keep calm and carry on

Dans ces phases chahutées, s’inspirer du flegme britannique peut vous être utile. Un krach est un peu comme un examen: si vous avez bien révisé, aucune crainte à avoir. Soyez sûr de vos choix : la force de conviction apporte la sérénité. L’investisseur qui me paraît le plus emblématique en la matière est sans doute Warren Buffet : Il a su traverser les âges sans jamais dévier de son fil conducteur, sans jamais céder aux phases spéculatives, tout en gardant un objectif de long terme.

 

Tout cela peut vous sembler bien théorique. En effet rien ne remplace l’expérience en matière d’investissement boursier. Il faut donc y aller prudemment, tâtonner et faire des erreurs, avant de trouver la confiance nécessaire. Le plus important est sans doute de s’ouvrir au monde, comprendre le fonctionnement de celui-ci, et s’inspirer de l’expérience de grands investisseurs. Dans ce cheminement, je vous souhaite une réussite pleine et entière.

 

1 Commentaire

    • Khalil sur 17 mars 2018 à 9 h 54 min

    Sujet très important en cette période. Personnellement je suis à 100% de liquidité sur mon compte titre ordinaire (j’attends les soldes, puis BRK.B et GOOGL) et à 100% actions small cap (quelques actions pépites) sur mon compte PEA-PME (mon PEA est en sursis actuellement entre 2 établissements).
    Je ne crois plus du tout en l’investissement sur les marchés européens. Ils sont trop corrélés à Wall Street. Il suffit de suivre la réaction du CAC40 à chaque ouverture du marché américain. Autant investir dans des action américaines au rendement supérieur, ou même ETF NASDAQ super rentable…

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